En tant que maison d’édition, de plus née en pleine expansion de cette nouvelle technologie, nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les dangers de l’IA dans le monde de l’édition. Aujourd’hui, nous allons vous expliquer en quoi l’intelligence artificielle artistique est problématique et pourquoi nous refusons de l’utiliser pour nos romans.
L’IA et l’édition : le droit d’auteur menacé
Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?
Pour commencer cet article, nous allons revenir à la base : la définition de ce qu’est une IA.
Le Robert nous dit : “ensemble des théories et des techniques développant des programmes informatiques complexes capables de simuler certains traits de l'intelligence humaine (raisonnement, apprentissage…).” La CNIL complète : “Pour le Parlement européen, l’intelligence artificielle représente tout outil utilisé par une machine afin de « reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité ».”
Vous l’aurez compris : l’IA sert à reproduire des processus humains. Elle est présente depuis des années dans divers domaines, notamment la science. Je vous renvoie sur le superbe dossier du Conseil de l’Europe qui retrace d’historique de l’intelligence artificielle en fin d’article. Depuis plusieurs années, c’est l’art qui subi, on peut le dire, l’avènement de l’IA avec des programmes comme Midjourney, pour ne citer que lui. Peut-être même que, comme moi et beaucoup d’autres, vous avez utilisé cette IA pour générer des images pour vos romans, pour tester. Et c’est normal : qui ne serait pas curieux de voir ce qu’une IA peut générer en fonction de ce qu’on lui demande ?
Quel rôle a-t-elle dans l’édition ?
En vrai, l’utilisation d’une IA n’est pas à bannir de nos vies. Nous sommes conscientes que c’est une technologie qui continuera d’évoluer et dont on se servira de plus en plus.
En revanche, il y a une différence entre se servir de Midjourney pour s’amuser et l’utiliser pour créer une illustration et se faire de l’argent dessus.
L’IA et l’édition, c’est soit le grand amour, soit la guerre. Plusieurs maisons d’édition (que nous ne citerons pas), ont fait ou font appel à des intelligences artificielles pour générer des couvertures de roman. Ils ont donc consciemment refusé de faire appel à des artistes dont c’est le métier pour illustrer les romans qu’ils publient.
Et ça, nous ne pouvons pas le cautionner.
Du vol au remplacement : la responsabilité des maisons d’édition
Ce n’est plus à prouver : l’IA vole les artistes pour générer des œuvres dans leur style. C’est grâce à l’immense base de données qu’est Internet que les IA peuvent créer des illustrations dans un nouveau style en mixant l’art de plusieurs artistes ou en reproduisant à l’identique un artiste en particulier.
Je pense que vous voyez déjà très bien où est le souci. Il est possible de demander tout ce que l’on veut à l’intelligence artificielle, du moment que l’on sait quoi lui demander. D’ailleurs, il commence à émerger des formations pour apprendre ce qu’on appelle le prompting, qui consiste à donner les bons mots clés à une IA (n’importe laquelle) pour qu’elle génère exactement ce que l’on souhaite.
Évidemment, les maisons d’édition commencent à s’en donner à cœur joie. Si ce n’est pas encore trop répandu pour l’écriture complète de romans (en France en tout cas), il est déjà question de faire des couvertures avec des images générées par les IA et c’est problématique. C’est problématique, car la maison d’édition est responsable du vol des artistes. C’est problématique, car la maison d’édition se rémunère sur ce vol d’art. C’est problématique, car la maison d’édition promulgue ce genre de pratiques et les rendent normales.
Et certaines ne voient même pas le problème.
Les plus grandes idées reçues sur l’IA et l’édition
Tiphs, illustratrice de renom, a fait une vidéo que nous invitons tout le monde à visionner. Elle y aborde les plus grandes idées reçues sur l’IA et l’édition, et démonte, un par un, les arguments donnés par les maisons d’édition pour se justifier de leur choix.
Un argument qui est souvent donné et qui nous fait particulièrement tiqué : l’IA est partout, on ne peut pas y échapper, tout le monde l’utilise.
Donc, sous prétexte que tout le monde (qui est tout le monde ?) l’utilise et que l’IA est vouée à continuer d’évoluer, nous devrions l’utiliser également ? Comme le souligne Tiphs, l’IA n’est pas encore régulée et le vol d’artiste ne sera pas autorisé éternellement par ces systèmes. Selon les maisons d’édition qui utilisent cette technologie, il faut se mettre à la page, vivre avec son temps et accepter que l’IA est dans notre quotidien. Mais que se passera-t-il pour ces maisons d’édition quand de nouvelles lois seront passées et que leurs couvertures ne seront plus légales ?
Le but de cet article est avant tout de vous sensibiliser, vous, lecteur·ice·s et auteur·ice·s, pour que vous puissiez vous prémunir des maisons d’édition qui utilisent l’IA pour les couvertures de leur roman en toute impunité. Les arguments qu’elles avanceront ne sont pas recevables.
Pourquoi le Labyrinthe de Théia refuse toute création avec les intelligences artificielles ?
De notre côté, nous avons fait le choix, dès le début, de faire appel à des illustrateur·ice·s pour la réalisation de TOUTES nos couvertures. Nous avons sélectionné des artistes qui nous plaisaient et avec qui nous souhaitions travailler. L’auteur·ice choisit l’artiste avec læquel·le iel souhaite travailler et une couverture originale, faite “maison”, est conçue.
Le Labyrinthe de Théia s’engage à ne jamais faire appel à de l’intelligence artificielle pour ses parutions.
Et cela vaut pour les couvertures comme pour l’écriture des romans, la correction, le graphisme, la communication… Nous refusons catégoriquement de faire appel à l’IA ainsi que de faire appel à des artistes qui l’utilise.
L’argument que certaines maisons d’édition peuvent avancer est la question de la rémunération de l’auteur·ice. Et comme le souligne Tiphs, il peut être attractif. Néanmoins, ce n’est pas valable pour nous qui estimons que l’auteur·ice touchera plus que l’illustrateur·ice sur le long terme grâce aux droits d’auteur (c’est la base en même temps). Nous attachons une importance capitale à la rémunération de nos auteur·ice·s et de nos illustrateur·ice·s, sans rabais, au juste prix.
Oui, l’IA et l’édition, c’est le début d’une histoire particulière. Notre avis est bien tranché sur la question : nous ne ferons jamais appel à l’intelligence artificielle pour nos parutions. C’est contre nos valeurs et tout ce pour quoi on se bat au quotidien pour rendre le monde du livre meilleur. Plus équitable. Plus responsable. Plus inclusif.